Entre deux « putain, mais arrête avec la magnésie, tu as cru que tu étais boulanger? « , ton/ta coach ne cesse de te répéter que l’Open arrive. Oui, un peu comme dans un Game of Thrones sans relations consanguines (quoique, ça dépend où tu habites) dans lequel on te serine « l’hiver arrive » et où les marcheurs blancs seraient des mecs sont morts en tentant de s’enduire de magnésie pour faire des push-ups.
Les gens normaux comptent le nombre de dodos avant Noël. Ceux qui font du CrossFit® – donc ceux qui sont peut-être un peu moins normaux- comptent les dodos avant l’Open. Mais au fait, c’est quoi l’Open? L’Open, c’est la première phase qualificative vers ce que le peuple des caribous et des cabanes à sucre appelle »les jeux du monde », c’est-à-dire les Games. Mais, au-delà de marquer le lancement de la saison, l’Open ce n’est rien de moins que la plus grande compétition de CrossFit® du monde. Chaque semaine pendant plusieurs semaines – trois cette année – CrossFit® dévoile un WOD sur lequel tous les participant.e.s s’affrontent.
Et là, tu me dis, « ouais, c’est bien gentil tout ça, mais je ne me qualifierai jamais aux Games ». Là, je te réponds « Amen, Muriel ». En effet, ma cocotte, c’est bien possible. Les fulgurances qui te permettent soudainement de voler au dessus de la barre de traction, tel un canari albinos sous amphet, ça n’arrive que dans les productions de Jerry Bruckheimer – et ce, sur une bande-son imaginée pour John Williams himself. C’est plus rare dans la vrai vie, tandis que ton owner s’acharne pour passer les pubs de son compte Spotify afin de te détruire les tympans avec sa playlist « Délices créoles ». Mais cette désillusion, Martine, ce n’est pas seulement la faute de Francky Vincent – qui, soit dit en passant, a réussi à devenir chevalier des Arts et des Lettres. Alors, si Francky peut avoir une médaille, tu peux sûrement faire l’Open.
Je te vois venir, Muriel, avec ton air malicieux et tes excuses à deux balles. Celle dont tu es la plus fière? « Je n’ai pas le niveau ». Partant de ce principe-là, personne ou presque n’a le niveau – quand tu prends en compte la fraction infinitésimale d’athlètes qui aura accès aux étapes suivantes des qualifications (si tu veux en savoir plus à ce sujet, j’en ai parlé ici) et, in fine, aux Games. Dans ce cas, autant arrêter le CrossFit®, prétendre que Wii fait faire du sport, réduire des Doritos en poudre pour les sniffer, refuser de marcher parce que c’est trop fatigant, et s’allonger par terre en attendant qu’un nouveau virus issu d’une calotte polaire dégelée ne nous tue mystérieusement – sans aucune assurance que Mulder et Scully ne viennent enquêter sur les raisons de notre trépas (non, au mieux tu auras peut-être Julie Lescaut voire Nikos, et en soit, c’est déjà une excellente raison de ne pas essayer d’abandonner tes forces vitales à TF1).
Parce que l’Open, c’est un peu comme chez McDo – le clown flippant et la bouffe à base d’artères d’enfant en moins – c’est « venez comme vous êtes ». Par contre, dans les deux cas, ça peut faire vomir.
L’Open, c’est d’abord un excellent moyen de tester son fitness- voire son absence de fitness. Si, toute l’année, ta seule raison de venir à la box, c’est d’avoir une excuse pour te vautrer dans le salami piquant et le gorgonzola crémeux, il est fort possible que tu vives des moments d’intense confusion pendant l’Open – un peu comme si tu tentais d’entrer en contact avec l’URSSAF. Hormis le fait que, là, la pénalité, tu te la prends cash sur la carafe. Est-ce que c’est grave? Peut-être seulement pour ton ego. Sinon, comme ton/ta coach sera dans les parages et que tu seras sous l’étroite surveillance d’un.e juge, tout devrait rouler niveau mouvements. Même si, là encore, la question des mouvements peut être rédhibitoire. Notamment si tu confonds l’amplitude des frontsquats et autres wallballs avec une session de body pump. Comme ça, on fait de demi-squats? T’inquiète, tout le monde le savait déjà ! Maintenant, prends ton destin en main, corrige le tir, fais nous rêver.
Il faut aussi savoir que l’Open, c’est fait pour être une grosse chouille. Une chouille pendant laquelle tu transpires plus que la FFF face à une interview de Noël Le Graët. Et qui, comme toutes les chouilles, peut induire du banga, du houblon et une variété indécente de chips. Pour que la fête soit plus folle, il existe plusieurs divisions – histoire que tout le monde y retrouve son compte : des Foundations – pour les grand.e.s débutant.e.s en passant par le Scaled, le Rx’d, les Masters – à partir de 35 ans, les Teens – pour embarquer les pubères dans le Scenic, l’Adaptive – pour les personnes en situation de handicap, … A l’inscription, même pas besoin de jouer ta catégorie à chifoumi : tu peux changer de catégorie d’un WOD à l’autre en commençant, par exemple, en Scaled et en optant pour du Rx’d la semaine suivante, si tu te sens plus à l’aise avec les mouvements proposés.
L’Open, c’est aussi l’occasion de réunir la communauté – au sein de ta box, voire au sein de ta ville – puisqu’il n’est pas rare que les boxs fassent pêter les Fitaid et organisent des événements. Là, tu wodes avec tes potes, rencontre les athlètes des autres créneaux, ou des autres boxs, tu violentes un peu ton petit corps en essayant de donner le meilleur de toi-même, et tu profites des trous dans la raquette que tu as pu constater pour établir tes prochains objectifs avec ton/ta coach. Bien sûr, il y a aussi l’émulation entre athlètes, les classements éventuels au sein de la box / la ville / la région pour savoir si tu es le royal du carrefour ou le champion de la partie inférieure de ta rue. Mais au final, j’ai envie de te dire que le leaderboard, c’est un peu comme la carrière musicale de Philippe Risoli : c’est marrant mais c’est accessoire. Tu l’as dit, Muriel, tu n’iras jamais aux Games – et moi non plus. Donc est-il vraiment nécessaire de chatouiller tes hémorroïdes en te titillant l’anus parce que tu es devant machin ou machine sur le leaderboard? L’essentiel n’est-il pas d’avoir passé trois semaines de folie, à flipper un peu à l’annonce des WODS, à se coller une pile avec les potes, dans une excellente ambiance et de se dire que l’Open, c’est surtout l’excuse dont tu rêvais pour partager un moment de communion (sans aube amidonnée ni cierge) avec toute ta communauté, à l’échelle locale autant que mondiale? Ca pourrait même être le moment idéal pour appâter ta famille ou tes ami.e.s encore étrangers aux thrusters avec quelques bières et peut-être les inciter à découvrir cette discipline qu’on aime plus que les chouquettes du bureau.
L’Open commence le 16 février et pour s’inscrire, c’est par là : https://cf.games/23-cfg-open