Tandis que certains sont à deux doigts de sabrer leur canette de Fitaid à l’idée de participer à l’Open, d’autres font une petite goutte de pipi dans leur string de compression. Qui donc peut souffrir d’une petite crise de tachycardie alors que l’Open est, avant tout, la grande fête du CrossFit? Les amis des bro-reps, les adeptes des amplitudes incomplètes, bref, les tricheurs.
Longtemps, ça m’a agacée. Pourquoi ne pas tendre complètement les bras à la fin d’un pull-up ou d’un muscle-up? Surtout que, si tu es capable de taper le MU aussi vite qu’un poisson-volant sous acide, tu as bien deux secondes pour finir ton mouvement. Pourquoi gruger un tour de course? Tu as un truc de prévu après? Une crise de diarrhée? Un mot de ta maman? Et puis, je me suis aperçue que ça nuisait à mon équilibre karmique. Le CrossFit repose sur la communauté, mais c’est un sport individuel. Donc tu es en mode « c’est toi contre toi-même ». Et pas « J’en chie mais j’ai quand même envie de lancer une kettlebell au mec d’à côté ». D’ailleurs, arrive un moment où tu souffres tellement que tu avales tes crottes de nez, donc le nombre de reps des autres n’a strictement aucune importance.
Sauf… Sauf pour eux. Mais là, il faut simplement qu’ils prennent deux secondes pour se poser les bonnes questions. Ou qu’ils appellent un numéro surtaxé vu sur NRJ 12 afin de les aider à revoir leur chemin de vie. A quoi ça sert de tricher? Fondamentalement, à rien si ce n’est flatter son ego. Or, l’ego n’a rien à faire dans la pratique du CrossFit. Voilà j’ai fini premier. Super. Finir premier en faisant des reps de body pump, ça mérite une calvitie pubienne sur 12 générations. Ouais, c’est moche. A tout point de vue.
Aussi, on se demande si ces personnes ont vraiment compris les enjeux et la philosophie du CrossFit. Se challenger, se dépasser, être humble, se confronter à ses faiblesses et toujours essayer de faire mieux, être réglo avec soi et avec son corps. Parce que c’est aussi ça que les tricheurs ratent : apprendre de leurs faiblesses et voir les résultats de leurs efforts.
Alors, oui, relativisons. Comme me l’a répété un prêtre de campagne âgé qui profitait du catéchisme pour me mettre en garde contre les ravages du LSD, « Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil ? » Copyright ? Jesus. L’homme qui faisait du Cross Fit. Voilà qui soudainement semble très pertinent.
Au-delà de l’intérêt certain d’utiliser une poutre lors d’une session de strongman, ça a le mérite de nous faire nous interroger : ne sommes-nous pas tous des tricheurs ?
Pas toujours facile de ne garder son intégrité. Une rep ou deux avec une amplitude discutable, se perdre dans les comptes, on a parfois envie de céder à la tentation de se concéder quelques reps, surtout lorsqu’un WOD qui ne nous plaît pas, met en avant nos faiblesses ou, simplement ou parce qu’on n’a pas la forme. Et là, jeune Padawan, c’est que, potentiellement, tu bascules du côté obscur du WOD. Ou pas. Car le CrossFit forge le caractère mais ne fait pas de miracles. Quelqu’un qui manque d’intégrité dans la vie quotidienne aura du mal à faire autrement dans une box.
Oui, mais voilà. Ca pue de la schnek. Avec l’Open, fini le temps béni où chacun fait sa tambouille dans son coin et compte ses reps en mode « j’ai la plus grosse ». Et non, copain, c’est l’heure de sentir ton caca. En effet, bien souvent, un WOD de l’Open s’accompagne d’un juge qui te colle aux fesses telle une mouche qui poursuit un poney. Ce référent a passé le diplôme en ligne et connaît les standards, les amplitudes et, généralement, ne peut pas être acheté. Même si tu lui offres une boîte de Celebrations.
Tu l’auras compris, normalement, cette personne est impartiale (normalement !). Et là, c’est le drame. Les cadors du bro-rep voient leurs scores dégringoler plus vite que le solde de ton PEL sur le site de NOBULL. Bientôt, c’est l’incompréhension : » Le juge ne sait pas compter. Il y a un problème. Ce mec/cette fille ne m’aime pas. D’ailleurs, il/elle n’a pas le niveau pour me juger. » Remballe le matos, poulet.
À force de faire du CrossFast, tu as oublié qu’un vrai mouvement, ça prend du temps. Etre confronté à ses défauts et ses faiblesses, ça fait mal. Autant le faire à longueur d’années, histoire de ne pas vivre le retour de bâton pendant l’Open. ^tre un athlète, ce n’est pas une question de nombres de reps. C’est une question d’intégrité. C’est aussi ca, devenir une meilleure version de soi-même.
L’avis du pro
Damien Cabrera, co-owner de CrossFit Portet sur Garonne
Pourquoi certains athlètes s’obstinent à tricher?
D’abord pour une question d’ego. Ensuite, il y a l’appréhension de finir dernier alors on gratte 1,2,3,10 reps pour finir devant les copains. Et puis, il y a les mouvements que l’athlète déteste. Alors pour aller plus vite, on survole ou alors il est victime d’une amnésie partielle.
En quoi l’Open est un révélateur concernant les tricheurs?
Au moment de l’Open, il y a un Monsieur Juge qui a suivi une formation et sait compter. Il devient donc impossible de tricher, d’esquiver sur les mouvements détestés. Une seule issue : on sert les fesses si fort qu’on peut sentir une odeur comme de pneu qui frotte et on fonce !!!!! D’ailleurs, c’est cet état d’esprit qu’il faut avoir pendant un WOD et pas seulement sur l’Open, une fois qu’il y a un juge.
Comme luttes-tu contre la triche à la box?
La seul façon de lutter contre ça revient à sensibiliser et faire comprendre aux athlètes que pour pratiquer le CrossFit, il faut mieux laisser l’ego de côté. Bosse tes lacunes, persiste, défonce-toi. Personne ne portera un jugement sur ta prestation, ton score ou ton classement… C’est ça le CrossFit : on avance ensemble et on tire tout le monde vers le haut !
Peu importe qui vous êtes ou d’où vous venez, votre passé sportif ou votre forme. De toute manière, vous allez prendre une baffe de réalité sur votre état physique et donner une grosse fessée à votre égo. C’est ici que tout commence.